1 décembre 2017

11 - La peste à Madagascar (1907)


La peste

Samedi dernier, 3 août, on a enfin commencé la période des mesures énergiques. Depuis, toute case contaminée et dont la désinfection n’est pas jugée praticable par la Commission de salubrité est rasée de fond en comble. Les meubles vermoulus, les vieux effets d’habillement et de literie et tous les détritus, matières ou objets suspects de pouvoir véhiculer les germes morbides sont impitoyablement voués à l’incinération sur les places publiques, soigneusement gardées. Aussi n’a-t-on constaté cette semaine aucune recrudescence inquiétante de l’épidémie. En moyenne, deux ou trois cas au plus se déclarent quotidiennement et un ou deux décès seulement les suivent.
Si les médecins avaient été pourvus de sérum frais, la peste aurait déjà été vaincue. Figurez-vous que l’hôpital ne possédait que du sérum de 1902, dont on n’osa pas se servir, et celui que Tananarive vient d’envoyer date de… 1903 !!! La haute administration a de terribles responsabilités à endosser. Signalons en passant qu’un Anglais qui fut empêché de partir avec son boutre le 28 juillet, à sept heures du matin, par l’autorité sanitaire – alors que le Gouverneur Général put quitter la rade le même jour à 9 heures – intente un procès à la colonie, procès susceptible de complications diplomatiques.
La population européenne et bourbonnaise n’a pas été atteinte jusqu’à ce jour : le fléau choisit ses victimes dans les quartiers où la malpropreté règne en souveraine maîtresse.
MM. les Indiens se sont empressés d’organiser, contre les précautions d’ordre public, un système de réaction qui veut être ingénieux et qui n’est que criminel. Dès qu’un des leurs tombe malade, tous ses congénères, comme lui-même, observent un religieux silence. Quand le mal leur paraît irrémédiable, le patient quitte sa demeure et se traîne dans quelqu’endroit public où la police vient le ramasser tandis que des parents et amis charitables s’évertuent à cacher ses effets et son mobilier.
Quand la victime décède avant de pouvoir évacuer son habitation, les mêmes parents et amis cherchent même à faire disparaître et enterrer subrepticement le cadavre ! La police est sur les dents pour déjouer ces misérables combinaisons.
L’Action à Madagascar (Majunga)

Samedi 10 août 1907.

Extrait de La peste à Madagascar 1898-1931, un livre numérique de la Bibliothèque malgache disponible dans toutes librairies proposant un rayon ebooks (2,99 €) et, à Antananarivo, à la Librairie Lecture & Loisirs (9.000 ariary).

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