16 mai 2014

Il y a 100 ans : Dans la léproserie (14)

(Suite.)
Étonné, le nègre se dirige sans hâte vers la cité des femmes. Tous les lépreux sont réunis là, armés de piquets, de bâtons, de pierres. Assailli par des propos menaçants, le nègre, pris de peur, se sauve ; il court à toutes jambes et monte à la maison où sont les blanches religieuses seules et sans défense. À ses cris, à ses explications haletantes, les Femmes sacrées s’enfuient éperdues. Que faire devant la révolte de cette foule ? Comment apaiser ces âmes qu’elles ne connaissent point, dont elles ignorent les pensées, auxquelles, vainement, elles voulurent donner leur rêve d’Occidentales ? Elles n’avaient point su deviner et, devant la colère, elles se demandaient quels mots la peuvent calmer, dans quels livres on trouve le « Sésame, ouvre-toi » de ces cœurs fermés ! Les profondes différences qui distinguent les races font que les êtres sont isolés et proches à la fois ; séparés par un mur de verre, ils se voient et ne se touchent point. Et jamais personne ne comprendra personne ! La nature cherche des paroles nouvelles et diverses, selon que ses enfants naissent au hasard des contrées de la terre mystérieuse qui garde le secret des origines.
Les lépreux s’enivrent de leur haine ; armés de branches cassées aux arbres proches, les beaux adolescents vont les premiers ; les femmes suivent, plus timides, car jamais une Hova ne recèle une mégère. Parmi les hommes, ceux qui ont encore une main brandissent un bâton, une fronde ; ceux qui n’ont plus de pied s’accrochent au bras des frères qui marchent ; d’autres lèvent avec menace leur terrible mufle léonin vers la maison qui couronne la colline. Poussant des cris gutturaux, les aveugles cheminent les bras étendus et la colère contracte ainsi qu’un masque leurs visages sans regard. Quelques moribonds traînés là, suivant leur vœu, couchés à terre, soulèvent leurs paupières qu’appesantit déjà le grand sommeil. L’ombiassy exalte les courages.
(À suivre.)
Marguerite Augagneur.

Mercure de France


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