8 avril 2014

Il y a 100 ans : Madagascar ou Paraguay? (2)

(Suite.)
Les jésuites ne n’entêtèrent pas : ils dressèrent dans l’enclos, à côté de la Vierge, un fady semblable à celui d’en face. C’est cette association de l’Immaculée et du symbole phallique que montre ma photographie.
Il paraît que la combinaison a en partie réussi : les pèlerines suivent d’abord le cérémonial nécessaire pour vaincre la stérilité et la Vierge, de cette dévotion relative, prend ce qui reste.
Par l’ancienneté de leurs établissements, l’importance de leurs propriétés, la complaisance excessive de certains administrateurs, par leur tolérance en matière de dogme et de mœurs, les jésuites ont acquis sur les habitants une influence considérable. Ils se considèrent comme des sortes de féodaux et cet état d’esprit explique, si étonnant qu’ils paraissent, les faits que je vais rapporter.
Ayant besoin de bois pour construire des ponts, le chef du poste de Fanjakana ordonna, certains jours, aux indigènes, de couper les arbres dans la forêt. À peine au travail, ils se trouvèrent en face du Père… (nommons-le X…, pour ne pas nous attirer quelque fâcheuse affaire), très influent, depuis longtemps à la tête de la mission. Le chef de poste, informé, étudie la carte et, convaincu que le bois est propriété domaniale, que la mission ne possède sur lui aucun droit, réitère ses ordres ; les indigènes se mettent en devoir de les exécuter. De nouveau, le Père X… se dresse devant eux, injurieux, violent, et, pour les obliger à cesser le travail, les menace avec un pistolet.
Le chef du district dépose une plainte contre le jésuite.
Que pensez-vous qu’il advint ? En France, le doux pasteur eût été poursuivi pour menaces de mort et au moins pour port d’arme prohibée. À Madagascar règne un régime tout différent. Le Gouverneur général ne transmit pas la plainte au Parquet, il la communiqua à – je vous le donne en mille – à Mgr de Saulnes, jésuite, coadjuteur d’un autre jésuite, l’évêque de Tananarive, Mgr Cazet.
L’affaire était soustraite à la juridiction de droit commun ; elle devenait administrative, inter-administrative, veux-je dire : l’administration du Gouverneur général passait le dossier à l’administration de la Compagnie de Jésus.
(À suivre.)

Les Annales coloniales


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