18 mars 2014

Il y a 100 ans : Les tribulations d’un Malgache (1)

Le Courrier colonial n’est pas un organe exclusivement indigénophile ; aussi, les gens à l’esprit étroit le traitent-ils assez volontiers d’indigénophobe, bien qu’il n’ait jamais préconisé l’application d’un pareil… barbarisme.
Au risque de contrister nos adversaires et les plonger dans une profonde stupeur, nous devons dire qu’il nous arrive fréquemment de recevoir, des sujets de la France, de longues listes de doléances, et de signaler leurs plaintes lorsqu’elles nous paraissent justifiées.
Oyez, ainsi, l’histoire d’un pauvre Malgache qui vient de faire l’expérience des ahurissantes complications des lois et règlements introduits par nous dans son pays.
Il avait quitté, avec sa femme, la province qu’il habitait, pour aller travailler chez un colon dont les plantations se trouvaient situées dans une autre partie de l’île.
Quelques mois après, sa femme se trouve enceinte. C’est un accident qui peut arriver à toutes les femmes, même malgaches.
Ne pouvant lui donner tous les soins que réclame son état, il l’envoie faire ses couches dans son pays natal, c’est-à-dire dans la province voisine.
L’enfant naît. La mère, fidèle aux recommandations de son mari, l’apporte au « lehibe », chargé de recevoir les déclarations de naissance des enfants issus de ses administrés.
— Es-tu d’ici, lui demande le fonctionnaire bronzé ?
— Oui, répond-elle, et mon enfant est né chez mes parents qui habitent le village. Mais moi, je suis partie avec mon mari dans une autre province.
— Alors, tu n’appartiens plus à mon village, puisque tu as suivi ton mari dans la province voisine, c’est donc là-bas, où il a été fait, qu’il faut aller déclarer ton « gazy ».
La mère, respectueuse de « l’autorité », rentre tranquillement chez ses parents et, quelque temps après, retourne chez son mari, à qui elle raconte l’incident.
Insouciant comme tous ceux de sa race, ce dernier juge que rien ne presse. Il ne se doute pas, le malheureux, de l’importance qu’attache le civilisé aux formalités de l’état-civil.
Enfin, après plusieurs semaines, il se présente tranquillement avec sa femme et sa progéniture, devant le gouverneur indigène de l’endroit.
(À suivre.)

Le Courrier colonial


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