31 juillet 2009

Les Archives royales de Madagascar au registre UNESCO de la Mémoire du Monde

Sauf erreur, la nouvelle n'a pas encore fait grand bruit - on ne parle que du Journal d'Anne Frank, ou presque, dans les informations que j'avais vues sur le sujet. La communication de l'UNESCO date, il est vrai, de ce jour et, sans nul doute, beaucoup d'encre va couler sur le sujet: 35 biens documentaires viennent d'être ajoutés au Registre UNESCO de la Mémoire du Monde, qui rassemble le patrimoine documentaire identifié par le Comité consultatif international et approuvé par le Directeur général de l’UNESCO comme répondant aux critères de sélection d’intérêt universel.
Parmi les documents identifiés pour entrer dans ce Registre, les Archives royales de Madagascar, appartenant aux Archives nationales qui, de Tsaralalana à Antananarivo, rayonnent sur le monde grâce à leur site - où peu de choses sont numérisées pour l'instant, mais où le catalogue prend une forme de plus en plus détaillée.
Voici quand même un exemple de document trouvé parmi cette mine d'archives.



C'est une belle occasion de mettre en lumière un fonds exceptionnel, qui ne se limite d'ailleurs pas aux Archives royales:
Les Archives Nationales détiennent divers documents, édits royaux, états civils, actes de vente, actes de notoriété, journaux, archives d'organismes scientifiques, fonds privés... dont les plus anciens datent de l’année 1824. Ils sont conservés dans trois grands fonds d’archives :
- archives du XIXème siècle, archives royales et journaux anciens ;
- archives de la période coloniale ;
- archives républicaines à partir de l’indépendance.
A propos de la partie, datée de 1824 à 1897, qui a retenu l'attention de l'UNESCO, le communiqué précise:
La collection comprend les archives royales, des journaux anciens, des registres des Sakaizambohitra (chefs de village) et des documents d’état civil. Eléments clés de la fondation de l’identité du pays, ils contiennent des documents écrits provenant de la redécouverte en 1895, à la fin du règne de Ranavalona III, d’archives de personnalités de haut rang du Royaume de Madagascar.
Les arguments qui ont joué en faveur de son inscription tiennent en quelques mots - mais lourds de sens:
Le patrimoine documentaire des Archives Nationales relate une période assez vaste de l’histoire du peuple malgache, du moins depuis le début du XIXème siècle. Les archives royales sont les seules archives précoloniales conservées sous forme écrites dans toute l’Afrique subsaharienne. Le XIXème siècle est une période charnière dans l’histoire du pays. C’est le point de départ d’un certain nombre de transformation correspondant à la naissance du Royaume de Madagascar et à l’entrée du pays dans l’ère de la modernité. C’est une phase d’expansion et de développement du royaume au plan interne et externe.
J'en profite pour rappeler que trois lieux malgaches sont inscrits au Patrimoine mondial de l'UNESCO: la Réserve naturelle intégrale du Tsingy de Bemahara, la Colline royale d'Ambohimanga et les Forêts humides de l'Atsinanana. Sans oublier, dans le patrimoine immatériel de l'humanité, le savoir-faire du travail du bois des Zafimaniry - il était question d'eux dans ma note précédente.









30 juillet 2009

Zafimaniry intime : deux vidéos

Je vous avais parlé, l'an dernier, de la rencontre au CCAC avec Johary Ravaloson à propos du livre qu'il avait écrit avec Sophie Bazin, Zafimaniry intime. Ces deux-là ont beau être quasiment mes voisins, ils ne sont pas du genre à se la jouer vedettes. La preuve: ils ne m'avaient rien dit (ou alors, en extrême fin de soirée, et je ne m'en souviens pas) de l'existence de deux vidéos en rapport direct avec ce livre. Et qui, pour autant que je puisse en juger (j'ai vu seulement cinq minutes de l'une d'entre elles - ah! les connexions!), sont réalisées avec goût. Bien qu'elles ne soient pas nouvelles, je vous les signale quand même.
La première, Antananarivo-Antoetra, est filmée sur le terrain (11'39'').
Retour à Antoetra, capitale du pays zafimaniry, pour y présenter le carnet de voyage "Zafimaniry intime / Zaho zafimaniry" produit de dix années de rencontres entre ces sculpteurs et les auteurs. L'occasion de pénétrer à l'intérieur des fameuses et bientôt rares maisons de bois qui ont valu aux Zafimaniry leur classement comme patrimoine immatériel de l'humanité.
La seconde, Zafimaniry intime: L'interview, est construite à partir de la rencontre au CCAC (et, désolé, j'y joue le rôle de l'animateur).
Johary Ravaloson est interviewé par le journaliste littéraire Pierre Maury pour le livre bilingue "Zafimaniry intime / Zaho zafimaniry", dans le cadre du forum littéraire au CCAC de Tananarive. L'interview est ponctuée d'incursions chez les Zafimaniry, ces sculpteurs au savoir-faire reconnu comme patrimoine culturel immatériel par l'Unesco. Johary Ravaloson explique pourquoi il se considère comme un écrivain dégagé.
A voir sans modération...




24 juillet 2009

Les cauchemars du gecko: le cauchemar de la critique?

Les premiers articles sont sortis dans la presse à propos de la pièce de Raharimanana, Les cauchemars du gecko. La tendance générale n'est pas à l'enthousiasme.
Sur son blog Parathéâtre, Philippe Couture évacue le sujet d'un revers de la main pour mieux passer à autre chose:
Il s'est produit quelque chose de l'ordre d'une libération hier soir au Cloître des Célestins. Disons qu'Un peu de tendresse bordel de merde arrivait à point nommé, après toute une série de pièces sur la guerre et quelques ratages qui ont laissé les spectateurs sur leur faim (et en proie à l'épuisement). Ciels, de notre bien-aimé Wajdi, est malheureusement du nombre, comme Les cauchemars du gecko, une pièce de Jean-Luc Raharimanana dont je vous épargne les détails.
C'est ne rien dire tout en laissant clairement entendre qu'il n'a pas apprécié.
Dans L'Humanité, Jean-Pierre Léonardi trouve bien que le gecko est un "sympathique reptile". Mais...
Si l’on fréquente volontiers les plages d’humour noir (aux deux sens) éparses dans le spectacle, on a plus de difficulté avec la rhétorique à l’oeuvre dans le champ de la revendication et de la dénonciation brute, ce malgré la forte présence d’interprètes alternativement aptes au lyrisme sec et à l’ironie froide, sur fond de pensée politique, fût-elle après tout un tantinet confuse.
Fabienne Darge, pour Le Monde, note la qualité des comédiens et "le beau travail aux guitares de Rija Randrianivosoa". Mais, elle aussi...
Que le néocolonialisme soit encore une réalité, doublée par celle de la mondialisation, ne transforme pas pour autant le constat en spectacle de théâtre. D'abord parce que le texte, très inégal, poétique par éclats mais troué de faiblesses et de facilités, se dilue à trop vouloir embrasser tous les maux de l'Afrique.
Et de conclure:
Raharimanana et Bédard restent prisonniers d'une logique de la dénonciation qui, au théâtre, n'est malheureusement jamais très utile.
On va quand même attendre d'autres commentaires...







18 juillet 2009

Bibliographie Internet : premier supplément

C'est rapide: j'ai terminé la bibliographie des ouvrages et périodiques concernant Madagascar et disponibles gratuitement sur Internet il y a moins de dix jours. Voici déjà une quinzaine de références pour la compléter. J'ai été conduit, grâce à un chercheur qui fouinait du côté de la Bibliothèque malgache, vers le Bulletin de l'Académie malgache, dont je n'avais jamais vu de numérisation. J'en ai trouvé quelques volumes, qui entrent donc de plein droit dans la bibliographie. En même temps, j'ajoute quelques autres ouvrages.



I. Auteurs

Bonnavoy de Premot, F.-H. Rapport à l’Empereur sur la question malgache et la colonisation de Madagascar. Paris, Imprimerie de H. Carion, 1856, 227 pages
http://books.google.fr/books/download/Rapport____l_empereur_sur_la_question_ma.pdf?id=DLAoAAAAYAAJ&output=pdf&sig=ACfU3U21T2OinX-LEnoedYH8xJ48fL0jqw

Boudou, Adrien, S.J. Le complot de 1857. Tananarive, Imprimerie moderne de l’Emyrne, 1943, 98 pages
http://books.google.fr/books/download/Collection_de_documents_concernant_Madag.pdf?id=hgULAAAAIAAJ&output=pdf&sig=ACfU3U1TIxsXl7hUlSZP5ZcXThINS2vG7w
Colonie de Madagascar et dépendances. Académie malgache. Collection de documents concernant Madagascar et les pays voisins. Tome troisième. Textes anciens et nouveaux publiés et annotés par…

Chauvot, H. Madagascar et la France. Paris, Joubert, 1848, 108 pages
http://books.google.fr/books/download/Madagascar_et_la_France.pdf?id=X5soAAAAYAAJ&output=pdf&sig=ACfU3U1tAOYk1gkeo_M_puFxoyWXh-wy_w

Grandidier, Alfred. Histoire physique, naturelle et politique de Madagascar. L’origine des Malgaches. Paris, Imprimerie Nationale, 1901, 159 pages
http://www.archive.org/details/loriginedesmalg00grangoog

Humbert, H. Flore de Madagascar et des Comores (Plantes vasculaires). Paris, Firmin-Didot et Cie, 1951
http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/6600
Publiée sous les auspices du Gouvernement général de Madagascar et sous la direction de… [Ouvrage découpé en 189 familles, certaines d’entre elles divisées en plusieurs parties]

II. Anonymes, collectifs, périodiques

Bulletin trimestriel de l’Académie malgache. N° 1. 1er trimestre 1902. Vol. I. Tananarive, Imprimerie Officielle de la Colonie, 295 pages
http://www.biodiversitylibrary.org/item/49407
Fondée le 23 janvier 1902 par arrêté du Gouverneur Général. Philologie. – Ethnographie. – Histoire. – Croyances. – Traditions. – Légendes. – Institutions politiques et sociales. – Lois et coutumes. [Contient probablement les vol. 1 et 2, années 1902 et 1903]

Bulletin trimestriel de l’Académie malgache. N° 1. 1er trimestre 1904. Vol. III. Tananarive, Imprimerie Officielle de la Colonie, 139 pages
http://www.biodiversitylibrary.org/item/48793
Fondée le 23 janvier 1902 par arrêté du Gouverneur Général. Philologie. – Ethnographie. – Histoire. – Croyances. – Traditions. – Légendes. – Institutions politiques et sociales. – Lois et coutumes. [Contient probablement les vol. 3 et 4, années 1904 et 1905]

Bulletin de l’Académie malgache. Année 1908. Vol. VI. Tananarive, Imprimerie Officielle de la Colonie, 1909, 194 pages
http://www.biodiversitylibrary.org/item/48799
Fondée le 23 janvier 1902 à Tananarive par M. le Gouverneur Général Gallieni. Philologie. – Ethnographie. – Histoire. – Croyances. – Traditions. – Légendes. – Institutions politiques et sociales. – Lois et coutumes. [Contient probablement les vol. 6 et 7, années 1908 et 1909]

Bulletin de l’Académie malgache. Année 1910. Vol. VIII. Tananarive, Imprimerie Officielle de la Colonie, 1911, 223 pages
http://www.biodiversitylibrary.org/item/49425
Fondée le 23 janvier 1902 à Tananarive par M. le Gouverneur Général Gallieni. Philologie. – Ethnographie. – Histoire. – Croyances. – Traditions. – Légendes. – Institutions politiques et sociales. – Lois et coutumes. [Contient probablement les vol. 8 et 9, années 1910 et 1911]

Bulletin de l’Académie malgache. Année 1912. Vol. X. Tananarive, Imprimerie Officielle de la Colonie, 1913, 229 pages
http://www.biodiversitylibrary.org/item/49426
Fondée le 23 janvier 1902 à Tananarive par M. le Gouverneur Général Gallieni. Philologie. – Ethnographie. – Histoire. – Croyances. – Traditions. – Légendes. – Institutions politiques et sociales. – Lois et coutumes. – Paléontologie. – Sciences naturelles [Contient probablement les vol. 10 et 11, années 1912 et 1913]

Bulletin de l’Académie malgache. Année 1913. Vol. XII (Première Partie). 148 pages
http://www.biodiversitylibrary.org/item/50231
Fondée le 23 janvier 1902 à Tananarive par M. le Gouverneur Général Gallieni. Philologie. – Ethnographie. – Histoire. – Croyances. – Traditions. – Légendes. – Institutions politiques et sociales. – Lois et coutumes. – Paléontologie. – Sciences naturelles [Contient probablement le vol. 12 complet, année 1913. Une erreur d’impression conduit à une certaine confusion dans la numérotation des volumes]

Bulletin de l’Académie malgache. Nouvelle série. Tome Ier. 1914. Tananarive, Imprimerie Officielle, 1917, 264 pages
http://www.biodiversitylibrary.org/item/50234
Colonie de Madagascar et dépendances. Fondée le 23 janvier 1902 à Tananarive par M. le Gouverneur Général Gallieni [Contient probablement les tomes 1 à 3, années 1914 à 1917]

Bulletin de l’Académie malgache. Nouvelle série. Tome IV. 1918-1919. Tananarive, Imprimerie Franco-malgache, 1921, 263 pages
http://www.biodiversitylibrary.org/item/50237
Colonie de Madagascar et dépendances. Fondée le 23 janvier 1902 à Tananarive par M. le Gouverneur Général Galliéni [Contient probablement les tomes 4 et 5, années 1918 à 1921]

Bulletin de l’Académie malgache. Nouvelle série. Tome VI. 1922-1923. Tananarive, Imprimerie Pitot de la Beaujardière, 1924
http://www.biodiversitylibrary.org/item/50784
Colonie de Madagascar et dépendances. Fondée le 23 janvier 1902 à Tananarive par M. le Gouverneur Général Galliéni

Bulletin de l’Académie malgache. Nouvelle série. Tome VII. 1924. Tananarive, G. Pitot de la Beaujardière, 1924, 595 pages
http://www.biodiversitylibrary.org/item/49428
Colonie de Madagascar et dépendances. Fondée le 23 janvier 1902 à Tananarive par M. le Gouverneur Général Galliéni

Bulletin de l’Académie malgache. Nouvelle série. Tome VIII. 1925. Tananarive, G. Pitot et Cie, 1926, 370 pages
http://www.biodiversitylibrary.org/item/50230
Colonie de Madagascar et dépendances. Fondée le 23 janvier 1902 à Tananarive par M. le Gouverneur Général Galliéni

Je rappelle que le volume original de la bibliographie, contenant plus de 500 références, est téléchargeable sur le site de la Bibliothèque malgache.

17 juillet 2009

Jean-Marc Lovay à Madagascar

Non, l'écrivain suisse n'est pas à Madagascar. C'est une vieille histoire. Et un enchaînement de hasards comme je les aime quand ils se recoupent. Il faut d'abord que je vous dise qu'en 1976, le premier roman de Jean-Marc Lovay, Les régions céréalières, m'avait beaucoup marqué et que j'avais, à sa sortie, fait un billet à son sujet dans le magazine littéraire d'une chaîne de la radio publique belge. Un représentant de Gallimard m'avait convaincu de le lire, il n'avait pas perdu son temps. Depuis, j'ai un peu perdu de vue l'œuvre de Lovay, qui continue pourtant à écrire et sort d'ailleurs un nouveau livre à la prochaine rentrée littéraire. Prochaine rentrée qui verra aussi arriver en librairie un livre de Lydie Salvayre, simplement intitulé BW. BW comme Bernard Wallet, son compagnon qui était, en 1976, le représentant de Gallimard m'ayant parlé de Jean-Marc Lovay. J'ai lu le texte de Lydie Salvayre (j'adore son écriture). Il y est question de Jean-Marc Lovay. Tiens, tiens...
Et Madagascar, dans tout ça? me demanderez-vous. J'y viens.
Ce matin, je lis le blog de Didier Jacob, consacré à... Jean-Marc Lovay. J'y apprends qu'il a "escaladé le mont Ararat dans les années 60, traversé en mule un désert de pierre entre l'Iran et l'Afghanistan, exploré l'Écosse, bourlingué à Madagascar et en Australie." Ah! Madagascar! Nous y sommes. Je ne sais pas trop combien de temps il y est resté, ni exactement ce qu'il y faisait, mais, avant de s'y poser, il faisait des fromages en Suisse. Le lien peut sembler curieux, pourtant il existe puisqu'il dit ceci: "Quand je suis allé à Madagascar en 86, j'avais ma présure, je me disais que je pouvais toujours gagner de l'argent avec ça."
L'interview n'en dit pas plus. Mais, vous devez commencer à me connaître, quand je suis sur ce genre de piste, il faut absolument que je trouve quelque chose de concret. Dans le cas d'un écrivain, la trace concrète serait évidemment un texte où il est question de Madagascar. Et... j'ai trouvé.
Dans Pages choisies, tome 2, de Maurice Chappaz, un autre écrivain suisse, Jean-Marc Lovay a publié un texte en hommage à son aîné. Cela s'appelle Nuit à la Caisserie et la Caisserie est la maison où Lovay habita, en 1986, à Madagascar.
En voici le premier paragraphe:
Abandonnée par ses maîtres, la pluie bat le toit de la Caisserie. Hier Tchernobyl a explosé, et dans une buée de rhum l'occulte bouche à oreille a soufflé que l'Europe entière est rongée. Dehors les Antandroy ont rejoint les braseros, ignorant la goutte de pluie qui rêve de percer les tôles pour éteindre la bougie. Aux pattes du ventru anophèle est suspendu le fantôme miniature d'un messager de fin du monde. Ma pensée ruine les ruines du monde et je ne pourrai franchir la nuit sans penser.




16 juillet 2009

En librairie à Madagascar : le deuxième roman de Jean-Claude Mouyon

Après Roman vrac, paru au début de l’année dernière, l’écrivain Jean-Claude Mouyon publie à la Bibliothèque malgache un deuxième roman qui prolonge et enrichit sa vision du Sud. Il allie une connaissance intime des mentalités et des coutumes à un regard sans complaisance mais empreint d’une sincère humanité.
Ses personnages, dont certains sembleront familiers aux lecteurs de son précédent livre, sont plongés dans deux histoires croisées. Elles sont habitées par une musique que Mikea promène ces temps-ci dans le monde entier. Preuve, s’il en était besoin, de ce que l’ancrage profond dans une terre peut conduire à l’universalité.
En quatrième de couverture de l’ouvrage actuellement en vente dans les principales librairies de la capitale et de Toliara, l’auteur présente lui-même le roman:
Pratiqué dans les régions Sud de Madagascar, le beko est un chant polyphonique a capella généralement interprété par un groupe d’hommes, nommés sahiry, composé d’un récitant et de choristes.
Perpétué depuis la nuit des temps par les ethnies du Grand Sud, le beko fait résonner sa litanie répétitive et gutturale durant les nuits où amis et famille du défunt sont réunis devant des feux et des bassines de rhum pour accompagner l’esprit du mort dans sa marche vers l’Est, là où vivent les ancêtres.
Beko, le roman, n’est en rien une explication ethnologique du culte des ancêtres mais l’appropriation d’un fait social et culturel qui m’a permis de bâtir une fiction à partir de la structure rythmique et narrative d’une cérémonie revisitée en présence de ses acteurs: Grand Homme, le défunt; les sahiry; les vivants.
Sur le thème d’une histoire policière inspirée d’un fait divers réel, Beko ou La nuit du Grand Homme se veut aussi un chant, une musique à la fois tendre et violente dédiée à l’extrême Sud de Madagascar et aux hommes libres qui y vivent, ceux qui souffrent mais ne pleurent jamais.
La Bibliothèque malgache contribue ainsi, selon un rythme soumis aux circonstances, à la découverte d’une voix singulière de la littérature de langue française.



14 juillet 2009

En librairie : le tsapiky et les gens de pouvoir

Rassurez-vous, il s'agit de deux livres différents - à moins que le tsapiky mène au pouvoir...?

Didier Galibert publie Les gens de pouvoir à Madagascar. État postcolonial, légitimités et territoire (1956-2002). Il s'agit de son sujet de thèse (le texte a peut-être été retravaillé, l'éditeur donne peu d'indications), dont voici les grandes lignes.
La thèse étudie le champ de pouvoir de l’État postcolonial à Madagascar, depuis la formation d’une arène politique démocratisée à partir de la loi-cadre de 1956 jusqu’à la crise majeure de l’année 2002. L’ensemble de l’étude est construit en fonction de deux hypothèses. En premier lieu, le caractère massif de la pauvreté et la multiplicité des écarts par rapport à la norme occidentale de la domination légale-rationnelle, telle qu’elle a été définie à la suite des travaux de Max Weber, ne dénote aucun effacement de l’État, mais plutôt la mise en œuvre d’un dispositif de centralisation des échanges clientélistes doté de sa cohérence propre. En second lieu, la surimposition d’un État postcolonial directement inspiré de la modernité politique européenne constitue une violence symbolique exercée sur la société malgache, compte tenu de son caractère contradictoire avec les fondements du politique tels qu’ils se sont tissés dans la tradition précoloniale: fusion du politique et du religieux, rôle protecteur et fécondant des rois sacrés, hiérarchie de la société en ordres inégaux.
La première partie de la thèse étudie le processus de nationalisation du champ politique. Dans sa deuxième partie, la thèse se penche sur les difficultés de la refondation postcoloniale du territoire, dans le rapport aux héros fondateurs et aux lieux de mémoire, la définition d’un maillage administratif sans rapport avec les cultes traditionnels, l’affirmation concomitante de modalités nouvelles de politisation des identités. La troisième partie, quant à elle, évoque la crise d’autorité déclenchée par l’intrusion du modèle de la modernité politique occidentale dans une société largement déterminée par les variantes précoloniales de la monarchie sacrée.
Avec du rythme et un CD, voici Le tsapiky, une jeune musique de Madagascar. Ancêtres, cassettes et bals-poussière, par Julien Mallet.
Ouvrage comportant un cahier photos de 16 pages et accompagné d'un CD-rom contenant de nombreuses photographies, des films, extraits musicaux et animations multimédia.
Tout voyageur s'étant rendu à Madagascar ne peut manquer d'être saisi par l'importance que tient la musique dans la vie quotidienne de l'île. Musique moderne, accompagnée de danses, de chants aux messages multiples, le tsapiky est emblématique de la région de Tuléar (au sud-ouest de Madagascar).
En analysant l'encrage et les rouages d'un "système tsapiky", l'ouvrage met en évidence un type inédit de rapport entre la cille et la campagne, entre les aînés et les cadets, entre l'espace cérémoniel et celui d'un marché naissant dans une ville en pleine ruralisation. Au cœur d'influences multiples, le tsapiky a une histoire, celle de la rencontre dans les années soixante-dix entre des musiques africaines modernes et des musiques villageoises locales. En s'appuyant sur des analyses musicologiques, l'auteur s'attache à saisir les processus de métissage à l'œuvre dans le phénomène musical tsapiky; à repérer les mécanismes de constitution d'un genre considéré comme processus de création et non comme imitation des musiques étrangères ou reproduction d'une tradition.
Tout en étant centré sur Madagascar, ce livre recoupe des questions fondamentales qui traversent les sociétés contemporaines. Les enjeux noués autour de la mondialisation, tout comme le rôle de la musique dans la construction de processus identitaires ou l'affirmation de nouveaux liens sociaux, traversent les espaces.


13 juillet 2009

Rajery et Mikea dans Le Monde

C'est un article paru cet après-midi: Le Malgache Rajery, pédagogue du métissage au Cabaret sauvage. Court, mais enthousiaste, qui rend compte d'un concert de samedi dernier:
"Il est important d'ouvrir la porte et la fenêtre pour écouter ce qui se passe ailleurs." En quelques phrases, avant d'entraîner tout le monde à danser et chanter, Rajery a tout dit de l'état d'esprit qui prévaut chez nombre de musiciens cultivant le métissage en matière musicale. Armé de sa valiha, la harpe tubulaire emblématique de l'Ile rouge, dont il joue avec une virtuosité captivante, il bouscule les géographies, ébouriffe la tradition, tricote la fantaisie et l'audace. A l'instar du fin chanteur Mikea, lorsqu'il s'empare de Jimi Hendrix et reprend Hey Joe en malgache, s'accompagnant au kabossy, la guitare traditionnelle de Madagascar.
C'est signé Patrick Labesse.




10 juillet 2009

Ben Arès : Là où abonde le sel

Les habitués de ce blog et de Madagascar ont déjà entendu, sous le titre en français de ce petit livre, le nom d'une ville. Comme la vie s'inscrit, au fond, dans une logique souterraine, il n'est pas étonnant que j'aie écouté Ben Arès lire ce texte à Antsirabe il y a quelques mois, à l'occasion d'une rencontre littéraire à l'Alliance franco-malgache. Du coup (je le lui ai un peu reproché, d'ailleurs), je suis devenu incapable de le lire sans l'entendre.
L'auteur a présenté cette vingtaine de pages comme le début (l'ouverture, au sens musical du mot?) d'une œuvre en cours, dans laquelle la présence de Madagascar sera forte. D'où ses séjours répétés dans la Grande Ile. Il en dit d'ailleurs quelques mots dans une des vidéos que j'ai mises en ligne à l'occasion de la parution de Coeur à rebours, un recueil de poèmes.
Pour vous faire goûter ce texte, je n'ai rien trouvé de mieux que d'en proposer la première page.
Six mois. C'est à six mois que je naissais. Je naissais pour l'homme et pour la femme, dans un petit lit, à six mois de ma vie déjà écoulée. Après neuf ans d'attente, je voyais le jour pour la plus grande joie de l'homme et de la femme. Je voyais ce jour, au bout de neuf ans d'attente, souriant, de premier éclat, gigotant dans un petit lit d'orphelinat.




9 juillet 2009

Madagascar sur Internet : une bibliographie électronique

La Bibliothèque malgache a entrepris de rééditer gratuitement un maximum d’ouvrages libres de droits sur Madagascar. La tâche est rude. Et certains, dont je suis, sont en droit d’estimer que sa réalisation est trop lente.
Ce cinquante-quatrième volume de la Bibliothèque malgache électronique est destiné à faire gagner du temps. Il veut être une bibliographie exhaustive des ouvrages et périodiques disponibles gratuitement sur Internet.
Malgré le soin que j’ai apporté à sa réalisation, il est possible que certaines références m’aient échappé. Je serais reconnaissant aux fureteurs persévérants de me les signaler dans un petit (ou long) message : bibliothequemalgache@bibliothequemalgache.com.
Une telle bibliographie n’a de sens que si elle est mise à jour au fil du temps. Ce sera fait. Je rappelle aux impatients (j’en suis aussi) que ce blog propose, un peu plus bas dans la colonne de droite, une rubrique où sont automatiquement référencées les dernières numérisations de Gallica et d’Internet Archive, deux ressources importantes, sur Madagascar.
Il va sans dire que la Bibliothèque malgache, qui accorde la plus grande attention à la qualité de ses rééditions, n’est pas responsable de celle des autres sites. Pages illisibles, voire manquantes, sont parfois au rendez-vous. Mais certains ouvrages, même dans une reproduction imparfaite, peuvent apporter beaucoup à ceux qui les cherchent.
Par ailleurs, chaque institution, chaque société gère les droits d’auteur en fonction de la législation sur les droits d’auteurs propre à son pays et des autorisations particulières qui lui ont été accordées. Il convient donc d’être prudent pour éviter les téléchargements illégaux.
Cet ouvrage est téléchargeable gratuitement au format PDF ou DOC en bas de la page de la Bibliothèque malgache électronique.


8 juillet 2009

Raharimanana, suite

La proximité du Festival d'Avignon justifie que la presse y revienne. Rapidement, donc, je signale deux nouveaux articles consacrés à Raharimanana et à la pièce qui sera montée là-bas.
L'article de Libération parle de plusieurs créateurs, dont l'écrivain malgache. Il contient aussi quelques imprécisions, notamment sur le célèbre épisode de "censure" lors du Sanga 2003, quand un spectacle mozambicain fut exclu de la représentation finale pour cause de nudité des danseuses. La pièce avait bien été donnée une première fois, et elle n'a donc subi qu'une demi-interdiction (on est en droit de penser que c'est encore trop, bien entendu). Et, à ma connaissance (j'avais suivi l'affaire d'assez près), les autorités religieuses qu'on sous-entend ici responsables de l'interdiction n'avaient joué aucun rôle dans celle-ci. Passons... Le reste de l'article est intéressant.
Intéressant aussi, l'entretien avec Raharimanana mené par Tirthankar Chanda pour RFI, qui permet à la fois de creuser le propos de l'écrivain et d'élargir la scène jusqu'à l'exposition réalisée avec Pierrot Men. Le même texte est publié aujourd'hui sur le site de Madagascar Tribune.


7 juillet 2009

Raharimanana à Avignon et dans la presse

Ce sera un des événements du Festival d'Avignon, s'il faut en croire les articles qui précèdent le calendrier: Raharimanana sera présent à plusieurs titres dans ces grandes rencontres du théâtre français et international. Sur ce théâtre-monde, vous avez déjà pu lire, si vous avez l'habitude de fréquenter ce blog, les réponses que l'écrivain a faites aux quelques questions que je lui ai posées. C'était en avril.
Aujourd'hui, je vous propose de découvrir deux nouvelles présentations.
L'une paraît sur le site des Inrocks. L'article met l'accent sur les guerres qui seront portées à la scène. Thierry Bedard y parle de 47.
“Cette guerre coloniale oubliée a laissé quelque 60.000 morts en terre malgache et a été définitivement rayée de notre mémoire, précise Bedard. Il est fondamental de se demander comment cette insurrection est née et pourquoi elle a été réprimée dans un bain de sang, car une génération entière de l’élite malgache de cette époque a pratiquement été éliminée."
On doit l'autre article au Monde, dans un rapprochement entre Madagascar et le Congo. Raharimanana y parle notamment de son travail sur la langue:
"Je viens d'un espace qui a beaucoup à dire, observe Jean-Luc Raharimanana. Dans ma langue, je mêle des éléments très divers, en écho au désordre du monde actuel. Si je mettais ces éléments dans une narration classique, ce serait terriblement démonstratif. Et je ne pourrais pas travailler la langue de la même manière, alors même que dans notre monde, c'est justement la langue qui est devenue le nouveau lieu du combat : les mots - celui de libéralisme, par exemple - ont perdu leur sens étymologique pour en acquérir un nouveau, totalement idéologique."
Deux textes à lire en attendant le spectacle...


4 juillet 2009

Etienne Grosclaude : Un Parisien à Madagascar, en feuilleton et en livre papier

La Bibliothèque malgache électronique a réédité, il y a quelques mois déjà, le récit d'Etienne Grosclaude, Un Parisien à Madagascar. Gratuitement, comme de coutume.
Ce texte poursuit sa nouvelle vie, et à un double titre.
Il sera, dès la semaine prochaine, proposé en feuilleton, du lundi au vendredi, dans la quotidien malgache Les Nouvelles - où Jean-Claude Mouyon, auteur tout à fait contemporain celui-ci de la Bibliothèque malgache, poursuivra la publication de ses chroniques fantaisistes, Le jour où j'ai failli... (Pour lesquelles un livre est en préparation, à moins que cela... faillisse.)
Il est aussi, dès aujourd'hui, disponible en édition papier chez Lulu.com (272 pages, 18,15 € + frais de port).
Étienne Grosclaude (1858-1932) fut en son temps un célèbre humoriste, auteur de nombreux ouvrages et de chroniques parues dans différents journaux et magazines. Jules Lemaître se disait fasciné par son « irrévérence universelle », ses « inventions de fou dialecticien » et l’apparence d’« élégance imbécile » de ses  textes.
Grosclaude touchait à tous les sujets, et décida un jour d’aller en chercher un du côté de  Madagascar. Il raconta sur un mode plaisant les circonstances de son départ dans un texte appartenant à une anthologie de Paul Acker, Humour et humoristes (1899). C’est un autoportrait de l’auteur en situation. Que la Bibliothèque malgache a placé ici en guise d’avant-propos.
Embarqué le 10 août 1896 sur le Yang-Tsé en même temps que Gallieni, Grosclaude passe quelques mois sur la Grande Île d’où il rapporte un récit bien dans sa manière. L’humour y est omniprésent et le voyageur fait exception parmi les voyageurs de son époque en ironisant autant sur lui-même que sur les Malgaches. Sans se départir de l’idéologie dominante, il parvient à faire goûter ses traits d’esprit.
Un Parisien à Madagascar, publié en 1898, possède bien entendu des aspects irritants, en particulier pour le lecteur malgache qui y retrouvera tous les clichés de la colonisation à ses débuts. Mais, outre la valeur littéraire du texte, celui-ci est aussi un précieux documentaire. Il y est notamment question de l’exécution de Rainandriamampandry et de Ratsimamanga – Grosclaude avait assisté, semble-t-il, au procès puisqu’il en fit le compte-rendu dans Le Figaro en octobre 1896.
Tout humoriste qu’il était, l’auteur semble avoir été assez marqué par son voyage pour intégrer à son retour le Comité de Madagascar et aborder ensuite un sujet plus sérieux dans La France, la Russie, l'Allemagne et la guerre au Transvaal : une politique européenne, publié en 1899.
Il faut signaler que la réédition de ce texte n’aurait pas été possible sans l’amicale collaboration de Jean-Marie de la Beaujardière, qui a fourni les pages manquant à l’édition de référence. Rien de ce qui touche à Madagascar ne lui est étranger puisqu’il a créé et met régulièrement à jour un site indispensable : Encyclopédie de Madagascar et dictionnaire malgache.
Pour rappel, il existe sous forme de livre papier 16 autres titres de la Bibliothèque malgache, à commander chez Lulu.com à partir du catalogue.