19 février 2009

Citation : Stéphane Audeguy

A la page 77 du nouveau roman de Stéphane Audeguy, j'ai su que j'étais sur une piste. A cause de cette phrase, la première du chapitre 26: "Il est temps en effet de se rendre à l'Alliance française"...
Pour écrire Nous autres, qui se passe pour la plus grande partie au Kenya, Stéphane Audeguy a bénéficié en 2006 de l'aide du ministère des Affaires étrangères, dans le cadre d'une mission Stendhal.
Et alors? me direz-vous...
Et alors, en 2006, le directeur adjoint de l'Alliance française de Nairobi était (depuis 2004, et est toujours aujourd'hui) Christian Randrianampizafy, avec qui j'avais sympathisé - et beaucoup travaillé - quand il était, de 2000 à 2004, directeur de l'Alliance franco-malgache d'Antsirabe.
Vous comprenez donc que je me suis dit, en lisant la phrase citée plus haut, que j'avais une bonne chance de retrouver Christian entre les lignes.
Mieux qu'entre les lignes, en réalité, puisqu'après une réception en l'honneur d'un paléontologue de passage, on se retrouve au Paradise 2000, une boîte du coin. Et voilà "mon" Christian qui fait son apparition, avec son véritable prénom:
Il est maintenant 5 heures du matin et une petite troupe de Blancs fait son entrée, c'est l'escorte officielle du Grand Paléontologue qui vient terminer là sa nuit blanche, dirigée par Christian de l'Alliance qui s'est dévoué ce soir-là, il n'a pas d'enfants en bas âge ni de femme comme les collègues, donc il se tape toutes les virées de célibataires des invités de la France terre d'asile [...].
Plus tard, Christian, qui a fait raccompagner le Grand Paléontologue à son hôtel, est resté au Paradise 2000 et se confie un peu - cette fois, le romancier a repris la main et lui invente une vie antérieure dans laquelle il n'aurait pas été directeur de l'Alliance d'Antsirabe:
Il raconte comment il a demandé un poste à Nairobi, à la suite d'un chagrin d'amour il s'était mis en tête de devenir très riche, il avait travaillé comme un forcené dans une compagnie de courtage à Madagascar, vivant seul, mais entouré d'une nombreuse domesticité. Et donc tous les matins bien avant le jour un employé lui sert son café, un autre lui tend sa veste et sa mallette, il sort alors dans la cour, un autre employé lui ouvre la portière de son énorme jeep et la referme derrière lui, tandis qu'un quatrième manoeuvre le portail, Christian sort très vite, mais en marche arrière comme y contraint la disposition des lieux, il ne revient qu'à la nuit bien tombée. Des semaines et des mois s'écoulent ainsi, jusqu'à ce qu'un des employés tombe malade, sans y penser Christian avale le café qu'on lui sert, il enfile la veste qu'on lui présente et saisit sa mallette, la porte de la jeep est ouverte, il s'assoit, il démarre en trombe et franchit le portail ouvert mais il arrache sa portière, parce que personne ne l'a refermée pour lui. Et d'abord il a beaucoup ri, même sur le coup. Ensuite il a réfléchi, il a changé de travail, il est venu à Nairobi où la vie est assez tranquille, et où il ferme lui-même sa portière le matin, et sur ces paroles il salue, traverse l'avenue et le nuit le dévore.
Peu importe la vie que Stéphane Audeguy invente à Christian, devenu en somme personnage de roman. Mais je voulais citer ce passage un peu long pour faire sentir le rythme des phrases et aider à comprendre pourquoi j'ai beaucoup aimé ce livre.

Et puis, c'est promis, la prochaine fois - très vite -, je vous parle d'un livre dont je connais encore mieux un des personnages puisqu'il s'agit de moi-même. Si, si...

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