26 février 2009

Bibliothèque malgache / 51 : Volumes, de Jean-Joseph Rabearivelo

Avec cet ouvrage d'un Jean-Joseph Rabearivelo "première période", la Bibliothèque malgache électronique complète la réédition des œuvres du poète qui avaient été publiées de 1928 à 1935, à l'exception des Éphémérides de Madagascar (1934).
Volumes est le troisième recueil de Rabearivelo, encore marqué par ses lectures. Il est, comme le dit Claire Riffard, "sous influence". Mais il s'agit d'un talent en devenir, qui s'affirme déjà par la musicalité de sa langue.
Cette réédition doit son existence à François Morand, qui possède un exemplaire de l'édition première. Il a respecté le format du livre (16x25 cm), restitué ici par les marges sur des pages A4. Il a utilisé des polices de caractères aussi proches que possible de celles de l’original, suivi scrupuleusement la présentation du texte, la pagination et la typographie – jusque dans les coquilles, relevées dans des notes de fin de document où vous trouverez aussi quelques précisions botaniques.
Je le remercie vivement pour son travail, téléchargeable à la fin de la page du catalogue de la Bibliothèque malgache électronique.
A dire vrai, j'espérais, dans la foulée, ajouter un cinquième volume (et sixième titre, puisque Presque-songe et Traduit de la nuit ont été réédités ensemble) qui aurait été Vieilles chansons des pays d'Imerina, publié en 1939, après la mort de Rabearivelo. Mais je viens de vérifier la loi malgache sur le droit d'auteur, pour m'apercevoir que les œuvres posthumes étaient protégées 70 ans après leur publication. Il faudra donc attendre 2010...

23 février 2009

Stéphanie, Malgache du monde

192 pays et 300 écoles visités.
620.000 kilomètres parcourus.
18.000 dessins recueillis.
Ce sont quelques-uns des chiffres fournis aujourd'hui par Le Soir à propos de Art in all of us, l'association fondée par Stéphanie Rabemiafara, d'origine malgache, et son compagnon belge, Anthony Asael.
Le but? Je simplifie: mettre en contact des enfants du monde entier afin de faire tomber entre eux les barrières des préjugés et du racisme. La photo, le dessin et la poésie sont les moyens utilisés pour exprimer ce que chacun vit au quotidien - et le faire partager.
L'Unicef a marché dans l'aventure. Un réseau s'est mis en place. La maquette d'un livre existe. Le site Internet donne un maximum d'informations (en anglais seulement, si j'ai bien vu). On y trouvera quelques images venues de Madagascar...

21 février 2009

En librairie : le livre de Pierre d'Ovidio où je me retrouve

Début 2006, bien des touristes hésitaient à mettre les pieds dans l'Océan Indien. Le chikungunya s'était installé à la Réunion, les îles voisines étaient atteintes, nul n'était à l'abri... Le 29 mars, Pierre d'Ovidio débarquait pourtant à Ivato pour un séjour de trois mois à Madagascar, pendant lequel il s'était donné pour but de pratiquer un tourisme intelligent, c'est-à-dire de se laisser aller à la découverte d'un pays et de ses habitants, puis d'écrire un carnet de voyage.

Nationale 7 vient de paraître, sous un titre légèrement réducteur, et sans aucun rapport avec Charles Trenet, puisque Pierre d'Ovidio ne s'est pas contenté de descendre vers Toliara. Il avait commencé son séjour par Nosy Be et l'a poursuivi vers Fort-Dauphin.

Trois mois pour parcourir Madagascar et se faire un avis sur les Malgaches, est-ce suffisant? Non, bien sûr. (Après plus de dix ans, j'ai toujours l'impression de ne rien savoir, ou presque.)
Pierre d'Ovidio n'est pas dupe et connaît les limites de son récit. Le meilleur de celui-ci est d'ailleurs dans les descriptions sur le vif, les scènes quotidiennes saisies avec l'étonnement sincère du voyageur. Le moins bon est en revanche dans la tentation, à laquelle il cède parfois, de généraliser à partir des certitudes de quelques-uns.
Pierre d'Ovidio rapporte aussi ce que lui ont dit certains interlocuteurs, à propos de la situation à Madagascar ou à propos d'événements vécus par des résidents étrangers. Un peu de discrétion n'aurait en rien diminué son livre mais l'aurait empêché de desservir quelques personnes facilement reconnaissables.
Il ne s'agit pas de moi, dois-je le dire? Les trois passages où je me retrouve ("Pierre M., journaliste et critique littéraire d'un grand quotidien de Bruxelles qui anime une émission culturelle pour une radio locale") sont plutôt sympathiques.

Sympathique. C'est l'adjectif que j'utiliserais volontiers pour qualifier ce récit de voyage.

19 février 2009

Citation : Stéphane Audeguy

A la page 77 du nouveau roman de Stéphane Audeguy, j'ai su que j'étais sur une piste. A cause de cette phrase, la première du chapitre 26: "Il est temps en effet de se rendre à l'Alliance française"...
Pour écrire Nous autres, qui se passe pour la plus grande partie au Kenya, Stéphane Audeguy a bénéficié en 2006 de l'aide du ministère des Affaires étrangères, dans le cadre d'une mission Stendhal.
Et alors? me direz-vous...
Et alors, en 2006, le directeur adjoint de l'Alliance française de Nairobi était (depuis 2004, et est toujours aujourd'hui) Christian Randrianampizafy, avec qui j'avais sympathisé - et beaucoup travaillé - quand il était, de 2000 à 2004, directeur de l'Alliance franco-malgache d'Antsirabe.
Vous comprenez donc que je me suis dit, en lisant la phrase citée plus haut, que j'avais une bonne chance de retrouver Christian entre les lignes.
Mieux qu'entre les lignes, en réalité, puisqu'après une réception en l'honneur d'un paléontologue de passage, on se retrouve au Paradise 2000, une boîte du coin. Et voilà "mon" Christian qui fait son apparition, avec son véritable prénom:
Il est maintenant 5 heures du matin et une petite troupe de Blancs fait son entrée, c'est l'escorte officielle du Grand Paléontologue qui vient terminer là sa nuit blanche, dirigée par Christian de l'Alliance qui s'est dévoué ce soir-là, il n'a pas d'enfants en bas âge ni de femme comme les collègues, donc il se tape toutes les virées de célibataires des invités de la France terre d'asile [...].
Plus tard, Christian, qui a fait raccompagner le Grand Paléontologue à son hôtel, est resté au Paradise 2000 et se confie un peu - cette fois, le romancier a repris la main et lui invente une vie antérieure dans laquelle il n'aurait pas été directeur de l'Alliance d'Antsirabe:
Il raconte comment il a demandé un poste à Nairobi, à la suite d'un chagrin d'amour il s'était mis en tête de devenir très riche, il avait travaillé comme un forcené dans une compagnie de courtage à Madagascar, vivant seul, mais entouré d'une nombreuse domesticité. Et donc tous les matins bien avant le jour un employé lui sert son café, un autre lui tend sa veste et sa mallette, il sort alors dans la cour, un autre employé lui ouvre la portière de son énorme jeep et la referme derrière lui, tandis qu'un quatrième manoeuvre le portail, Christian sort très vite, mais en marche arrière comme y contraint la disposition des lieux, il ne revient qu'à la nuit bien tombée. Des semaines et des mois s'écoulent ainsi, jusqu'à ce qu'un des employés tombe malade, sans y penser Christian avale le café qu'on lui sert, il enfile la veste qu'on lui présente et saisit sa mallette, la porte de la jeep est ouverte, il s'assoit, il démarre en trombe et franchit le portail ouvert mais il arrache sa portière, parce que personne ne l'a refermée pour lui. Et d'abord il a beaucoup ri, même sur le coup. Ensuite il a réfléchi, il a changé de travail, il est venu à Nairobi où la vie est assez tranquille, et où il ferme lui-même sa portière le matin, et sur ces paroles il salue, traverse l'avenue et le nuit le dévore.
Peu importe la vie que Stéphane Audeguy invente à Christian, devenu en somme personnage de roman. Mais je voulais citer ce passage un peu long pour faire sentir le rythme des phrases et aider à comprendre pourquoi j'ai beaucoup aimé ce livre.

Et puis, c'est promis, la prochaine fois - très vite -, je vous parle d'un livre dont je connais encore mieux un des personnages puisqu'il s'agit de moi-même. Si, si...

16 février 2009

Bibliothèque malgache / 50 : Imaitsoanala, Fille d'oiseau, de Rabearivelo

La série se poursuit, et Jean-Joseph Rabearivelo reste en vedette pour l'instant: comme dans les grandes collections de poche, les chiffres symboliques correspondent à des auteurs privilégiés que l'on tient à mettre en évidence. Le nom de cet écrivain est évidemment exemplaire et méritait bien de s'afficher sur la couverture du cinquantième volume de la Bibliothèque malgache électronique.
C'est donc le troisième ouvrage de sa plume à paraître dans la BME. Imaitsoanala, fille d'oiseau est un livret d'opéra inspiré par un conte traditionnel.
La jeune fille qui donne son prénom au texte est née d'une couvée dont le dernier oeuf semblait seulement bon à être mangé. Au lieu de cela, la beauté qui en sort séduit immédiatement le roi Andriambahoaka. Celui-ci, en l'élisant femme de son cœur, fait de nombreuses jalouses parmi ses autres épouses. Même Ivorombe, la mère d'Imaitsoanala, s'oppose à elle avec une grande violence. Mais tout finira dans la joie... et la musique, puisque ce livret a été joué dès 1936 sur des compositions de Ratianarivo.
Imaitsoanala, fille d'oiseau serait le seul opéra original jamais créé à Madagascar, même si Rabearivelo lui-même qualifiait plus modestement cette œuvre de cantate.
Les liens pour le téléchargement se trouvent à la fin du catalogue de la Bibliothèque malgache électronique.
Bonne lecture.

15 février 2009

Bibliothèque malgache / 49 : Enfants d'Orphée, de Jean-Joseph Rabearivelo

Il y a un peu plus d'un an, je publiais un premier ouvrage de Jean-Joseph Rabearivelo. Des poèmes, comme cela semblait aller de soi.
En voici un deuxième - qui ne sera pas le dernier titre de cet écrivain malgache.
Enfants d'Orphée est un recueil de cinq brefs essais consacrés à des poètes. Ce volume était, dans l'esprit de son auteur, le début d'une série qui n'a pas vu le jour.
A travers ses commentaires sur d'autres écrivains, Rabearivelo dessine en creux sa propre esthétique. D'où l'intérêt de ces textes, malgré un choix d'œuvres étudiées qui ne sont pas passées à la postérité.
La production de Rabearivelo ne se limitait pas à la poésie. Ce livre paru en 1931 (ou 1934 d'après d'autres sources, il n'a pas été possible de trancher en raison de l'absence de la page de titre dans l'exemplaire utilisé) est une manifestation de sa curiosité critique ainsi que de la finesse de ses analyses.
Les liens pour le téléchargement se trouvent à la fin du catalogue de la Bibliothèque malgache électronique.
Bonne lecture.

14 février 2009

En librairie : Les associations sous la colonisation à Madagascar

Deux volumes spécialisés viennent de paraître aux Editions de l'Harmattan sous la plume d'Alain-Aimé Rajaonarison. Les associations sous la colonisation à Madagascar (1896-1960) apporte un éclairage inédit (me semble-t-il) sur la société malgache.
Alain-Aimé Rajaonarison est docteur en Histoire. Il a effectué toutes ses études supérieures en France. Il a fréquenté successivement l'Université de Paris I et celle de Paris VII. Installé en France, il continue à faire ses recherches en Histoire.

Le premier tome est sous-titré Leur rôle dans la construction de la conscience ethnique et nationale. En voici le texte de "quatrième de couverture":

Le rôle des associations à Madagascar fut prépondérant dans la formation de la conscience politique malgache. Quatre mille ont été recensées sous la période coloniale (1896-1960). Quels types d'associations ont été fondées? Les associations ont-elles été mixtes? Quels ont été leurs objectifs? Que peuvent signifier certains noms d'associations dans l'imaginaire de leurs créateurs? Pourquoi les élites malgaches ont-elles privilégié les associations occidentales au détriment du groupement local traditionnel, à savoir le fokonolona? D'autre part, la création et le développement d'associations d'originaires posent la question des liens noués entre ethnicité, morale et tribalisme. Après les événements de 1947, où l'expression et l'activité politique furent réprimées, les associations de "loisirs" ont permis, sans attirer l'attention, de développer une activité politique jusqu'au milieu des années 1950. A partir de 1956, année de la loi cadre, elles ont servi de viviers, de laboratoires d'idées, d'apprentissage de la "chose publique" aux fondateurs et à certains de leurs membres. Ces groupements formeront au moment de l'indépendance de 1960 l'ossature des principaux partis politiques à vocation nationale, qui animeront la vie politique de Madagascar, durant plusieurs décennies. C'est dans ce cadre que se situent les recherches et les questions développées dans cet ouvrage.

Le deuxième tome complète ce travail: Législations, acteurs et témoignages. Voici ce qu'on peut lire au dos du volume:

L'étude des associations à Madagascar sous la colonisation a eu comme point de départ les informations relatives aux associations paraissant dans le Journal Officiel de Madagascar entre 1896 et 1960.
Le premier tome de Les associations sous la colonisation à Madagascar (1896-1960) est consacré à leurs observations et à leurs analyses.
Le second tome fournit les données brutes concernant ces mêmes associations. Les renseignements donnés par le Journal Officiel sont complétées par d'autres sources d'information. Quelques exemples de statuts complexes établis par les dirigeants des associations révèlent la difficulté pour la plupart des indigènes de créer une association. Les élites sont les fondateurs principaux d'associations. Le second tome traite également de l'itinéraire associatif d'un certain nombre de dirigeants d'associations qui auront une fonction politique importante après l'indépendance de 1960.

12 février 2009

Bibliothèque malgache / 48 : Un Parisien à Madagascar

En route vers la cinquantaine de volumes électroniques gratuits, une barre bientôt atteinte dans un catalogue qui continue de s'enrichir avec, aujourd'hui, Un Parisien à Madagascar, d'Étienne Grosclaude.

Étienne Grosclaude (1858-1932) était un célèbre humoriste, auteur de nombreux ouvrages dont la plupart reprenaient ses chroniques parues dans différents journaux et magazines. Jules Lemaître se disait fasciné par son «irrévérence universelle», ses «inventions de fou dialecticien» et l'apparence d'«élégance imbécile» de ses textes. Grosclaude touchait à tous les sujets, et décida un jour d'aller en chercher du côté de Madagascar.

Embarqué le 10 août 1896 sur le Yang-Tsé en même temps que Gallieni, il passe quelques mois sur la Grande Île d'où il rapporte un récit bien dans sa manière. L'humour y est omniprésent et l'auteur fait exception parmi les voyageurs de son époque en ironisant autant sur lui-même que sur les Malgaches. Sans se départir de l'idéologie dominante, il parvient malgré tout à faire goûter ses traits d'esprit.

Comme il manquait quelques pages à l'exemplaire de travail, Jean-Marie de la Beaujardière a aimablement comblé les absences en numérisant une partie de son propre exemplaire. (Au passage, signalons son excellent site, Encyclopédie de Madagascar et dictionnaire malgache.)

L’ouvrage original ne comprenait pas le Fragment des mémoires d’un explorateur que j’ai ajouté en guise d’avant-propos après en avoir trouvé le texte dans une anthologie de Paul Acker, Humour et humoristes (1899). C’est un autoportrait en situation d’Étienne Grosclaude ainsi qu’un éclairage sur les circonstances de son départ.

Ce titre est disponible (gratuitement, je le rappelle) au format PDF ou DOC en bas de la page du catalogue de la Bibliothèque malgache électronique.

5 février 2009

Citation : Antoine Bello

Je bavardais tout à l'heure par téléphone avec Antoine Bello. Bavarder n'est peut-être pas le terme exact: pour être précis, je l'interviewais.
Mais je n'ai pu m'empêcher de lui raconter, hors sujet, une petite histoire vraie.
L'an dernier, j'étais à Toliara en juillet et j'avais, comme je le fais partout, emporté quelques livres - sans lesquels je tourne très vite en rond où que je sois. Parmi ceux-ci, Les falsificateurs, dont je ne savais rien avant de l'ouvrir. Mais je me suis très vite rendu compte que j'avais bien fait de le mettre dans mes bagages, parce que j'ai adoré ça. Au point, un soir, dans un restaurant italien, de renverser mon verre de vin dessus tant j'étais pris par ma lecture.
Ensuite, je l'ai passé à un ami, qui l'a passé à un autre, qui l'a refilé à un troisième, etc.
Depuis, je ne peux plus aller à Toliara sans qu'on me parle de ce roman. Chaque fois en bien.
Faut-il le dire? Antoine Bello était très heureux d'entendre cette histoire. Je l'ai senti rêver à l'idée que son livre, taché de vin, circulait ainsi dans une ville du sud de Madagascar.
"Je penserai à cela dans mes prochains livres, je parlerai de Madagascar", m'a-t-il dit.

En réalité, il l'a déjà fait, dans Les éclaireurs, la suite qui est parue aujourd'hui et au sujet de laquelle je l'interrogeais.
- Vous vous souvenez?
- Euh...
- Si, deux fois. La première page 35, quand Nina et Sliv boivent un café, c'est Nina qui parle:
- Tu réalises qu'un café latte coûte le salaire quotidien d'un ouvrier malgache?
- Oui, en effet, et Sliv propose alors d'inviter Nina, qui se rebiffe. Et la deuxième fois?
- Quand il est question de l'aide internationale au Niger, page 227:
- Les Etats-Unis à eux seuls versent huit millions par an, rappela Ling qui aurait pu citer tout aussi facilement le montant de l'aide japonaise à Madagascar.
C'est anecdotique, bien sûr. (Clin d'œil à un fidèle lecteur qui se reconnaîtra.) Mais il me plaît de relever la présence, même ténue, de Madagascar et des Malgaches dans tout ce que je lis...